Justine Provino a obtenu récemment son diplôme de Master de Conservation des Biens Culturels, spécialité Arts Graphiques et Livres, sous l’enseignement de Claude Laroque, à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. D’octobre 2014 jusqu’en février 2015, elle a effectué un stage au Ransom Center, sous la direction d’Olivia Primanis, conservateur-restaurateur en chef de l’atelier de livres, et de Heather Hamilton, conservateur-restaurateur de l’atelier d’arts graphiques.
J’ai commencé à jouer du violon à l’âge de 5 ans et j’ai un diplôme de Master en Histoire médiévale, cela m’a doublement amenée à avoir un intérêt particulier pour les paradoxes entre préservation et accessibilité des partitions de musique. Mon mémoire de Master en Conservation-Restauration a pour sujet l’étude de la communication des documents musicaux écrits et les actions de conservation-restauration entreprises en ce sens, parmi des institutions affiliées à la recherche, dans l’enseignement supérieur, en Amérique du Nord.
Au Ransom Center, j’ai travaillé sur le traitement de conservation-restauration d’un manuscrit qui est une partition intégrale des Coronation Anthems – Hymnes du Couronnement – de Händel. (Finney Collection, 10). Georg Friedrich Händel (1685-1759) a composé les Coronation Anthems en 1727 pour la cérémonie du couronnement du roi Georges II et de la reine Caroline d’Angleterre. Cette copie date d’environ 1730 et on la sait être de la main du copiste principal de Händel, John Christopher Smith l’Ancien (1683-1763). A l’époque du couronnement, les hymnes étaient joués tels que s’ensuit : Anthem I Let Thy Hand Be Strengthened (Hymne I Que ta main soit plus ferme), Anthem II Zadok The Priest (Hymne II Zadok le prêtre), Anthem III The King Shall Rejoice (Hymne III Le roi se réjouira), Anthem IV My Heart is Inditing (Hymne IV Mon cœur se sent coupable). De nos jours on joue la musique dans un ordre différent, on commence par Zadok The Priest et on termine par Let Thy Hand be Strenghtened.
Le manuscrit était dans un mauvais état de conservation lors de son arrivée dans les ateliers de restauration et les conservateurs-restaurateurs, avec les conservateurs, ont décidé de traiter ce document pour en assurer l’accès aux futurs chercheurs. La couverture était en partie désolidarisée du bloc-texte (les pages). Les dégradations physico-chimiques du papier et du cuir de couvrure des plats et du dos les rendaient, par conséquent, fragiles. Le bloc-texte, constitué de papier de fabrication artisanal et de papier de fabrication industriel, avait été « réparé » plusieurs fois par le passé. Les « anciennes réparations » étaient pour la plupart des onglets de papier appliqués dans les fonds de cahiers afin de consolider les déchirures entre les pages. Les onglets de « réparation » étaient rigides et épais et ont contribué à déchirer les pages lorsqu’elles étaient tournées. Le fil de couture était en partie défait, ce qui résultait en des pages volantes. La surcouture, un procédé de couture employé à certains endroits de l’ouvrage, limitait l’ouverture de certaines pages.
Les éléments de la couvrure ou de la reliure étaient attribués à Thomas Sedgley (parfois épelé Sedgeley) un relieur renommé, actif d’environ 1720 à 1740 auprès de la Bodleian Library à Oxford. Bien que le style de reliure habituel de Sedgley soit différent de celui-ci, un des fers à dorer utilisé pour orner la pièce de titre, adhérée au plat recto, appartenait à la collection de fers du relieur. En raison de l’intérêt porté par les spécialistes à la provenance de la reliure et l’ordre musical des hymnes, il est apparu important d’établir un traitement qui permettrait de préserver les preuves de l’évolution de la reliure du manuscrit, c’est-à-dire, l’agencement des pages et toutes les parties de la couverture.
Diaporama
Nous avons séparé l’ouvrage pour traiter la couverture et les 84 feuilles du bloc-texte. J’ai appliqué des cataplasmes de méthylcellulose sur les anciens onglets de « réparation », ce qui a assoupli leur adhésif et m’a permis de soulever les onglets de « réparation » afin de les retirer. J’ai consolidé les déchirures au sein des pages et réassemblé les pages détachées du bloc-texte à l’aide de nouveaux onglets en papier japonais constitué de fibres longues et souples. J’ai cousu le bloc-texte sur de nouveaux supports de couture en ruban de lin. Un hollow-tube (cylindre creux) en papier japonais, constitué de fibres longues, a été adhéré au dos du bloc-texte pour servir de support d’adhésion aux éléments de la couverture et favoriser l’ouverture à plat du bloc-texte. Comme certaines parties du dos en cuir étaient lacunaires, la couverture a été resolidarisée en insérant sous le cuir de chacun des plats une nouvelle toile en coton teintée. Enfin, j’ai réadhéré le dos en cuir d’origine et effectué des comblements de lacunes avec du papier japonais constitué de fibres longues et teinté. Les chants des plats ont été consolidés avec de la colle d’amidon.
La partition d’Händel – maintenant restaurée dans son ensemble et accessible sans risque à la recherche pour les spécialistes de musique, les étudiants, les historiens et autres érudits – inspirera de la belle musique durant encore de nombreuses années à venir. Le manuscrit a été numérisé et est disponible à l’étude en ligne au lien suivant.
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